mercredi 4 octobre 2017

Portraits et sagesse 109

Abderrazzag Essafi, un homme grand, sec, aux yeux bleus, avec la chéchia rouge traditionnelle sur la tête, était certainement connu par tout le monde à Zarzis, de part son travail et de part son rayonnement culturel et social. Encore debout, souriant, joyeux, soutenu par sa canne certes, mais rayonnant d’énergie et de joie de vivre. Ayant travaillé depuis l’indépendance dans en tant que chauffeur poids lourd pour la construction de l’aqueduc vers Zarzis, puis dans les champs pétrolier du Sahara, quelques années en France, pour avoir enfin sa retraite avec la société du transport en conduisant le bus scolaire pendant vingt quatre ans. Une belle carrière, active, diverse, pleine de contact humain, de voyages quotidiens, de travail soigneux et de responsabilité. Pour retrouver sa maison, Boughmiga dû se hasarder entre les maisons et ruelles, se rappelant approximativement l’habitation de Si Razzag. Debout dans la chaleur et cherchant le bout d’ombre pour se protéger du soleil, il remarqua dans une impasse un homme faisant sa prière et ne voyant que le bout de son soulier de son coté droit et un brin du tapis de prière, attendit le mouvement de ses derniers pour aller lui demander l’adresse. En attendant, le bruit de maçon revenant au travail parvint du fond d’une autre impasse et en lui criant fort, signala la demeure de son ami. Avec un très bel olivier, majestueux, bien entretenu, la maison était belle avec bon gout de modestie et de quiétude. Ne sachant comment trouver ce vieil ami, il l’appela doucement pour ne pas déranger une éventuelle sieste et au troisième appel, Razzag sorti avec sa femme appuyé sur sa canne et accompagné d’un accueil sincère. Il m’invita à s’asseoir auprès de lui sur le divan utilisé aussi pour dormir à la belle étoile pendant les grandes chaleurs et commença à remémorer nos souvenirs communs. Franchement, il ne me répondait qu’en poésie, en proverbe, en maximes dont certaines étaient de sa composition et rayonnait directement de culture et de beauté linguistique. Il me dit entre autres, que sa santé lui permettait quelques fois de sortir en voiture, mais la vie va vite et tout le monde grandit. Il était aussi un grand poète populaire, très connu dans les sphères de la culture et surtout quand il prit la description de presque toutes les villes de la Tunisie, voyageant de région en région, dans un très beau parcours descriptif et poétique. Il était aussi souvent invité par la radio pour la lecture de ses œuvres et l’échauffement des esprits. A un moment, il s’intéressa à la médication traditionnelle par les herbes et divers procédés sans tombés dans les potions magiques ou la sorcellerie. Il avait toutefois, une certaine clientèle sans que l’on entende de réclamations. Un jour, une jeune femme Allemande, ayant fait une grande expérience au Japon, lui avait été présenté par un cinéaste de la région qui avait pris Razzag et Boughmiga dans ses lentilles….mais comme toujours, le hasard des choses, fait que ce sont les rencontres spontanées, les actions naturelles, qui prédominent et insufflent leurs messages merveilleux. Dans une chambre fermée, cette Dame, avait placé sa caméra entre les deux orteils de ces deux chamans, Razzag et Boughmiga, qui adossés au mur à même le sol répondaient à chacune de ses questions, mais bien sur, le chaman traditionnel et le magicien de l’esprit ne pouvaient dire la même chose. Une séance de deux heures au moins fut enregistrée où Razzag parlait de traitement par les herbes, par le saint Coran, par les recettes alimentaires, pendant que Boughmiga, y allait par l’écoute, le transfert, la persuasion, l’influence, l’accompagnement, le self-estim., ….procédé qui dans les rares cas de traitement à l’amiable, avait réussi à cent pour cent. Comme toujours, on se faisait avoir à tout les coups par tout le monde et tout les chasseurs de l’insolite, nous n’avions pas demandé une copie de la séance, mais heureusement, Razzag et Boughmiga sont toujours là. Respect et gratitude à Si Abderrazzak Essafi, que Dieu prenne soin de sa santé et son bonheur. Lihidheb Mohsen 04.10.17

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